décembre 26, 2016

La dynamique des réseaux en Turquie

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« Bon, il est solvable ou non ? ». Tels furent les mots prononcés par une personne au téléphone dans la navette Havas qui nous emmenait de la place Taksim à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Durant le trajet, je fus un invité plus qu’indiscret de cette conversation. Il faut préciser aussiqu’il était juste derrière moi : même avec mon ouïe imparfaite, je n’avais pas besoin de me concentrer pour tout comprendre.

Concrètement, il s’agissait d’un revendeur d’équipement agricole qui hésitait à accorder un délai de paiement à un prospect. A ce propos, en Europe et même en Turquie, il faut consulter son banquier et les organismes de crédit pour valider la solvabilité d’un tiers. Or, il s’avère que notre prospect mystérieux ne remplit pas les critères de ces institutions et qu’il insiste en activant d’autres leviers : l’importance de ses réseaux, ses introductions et son beau-père !Du coup, mon voisin de trajet était entrain d’échanger au téléphone avec son avocat pour vérifier ces affirmations. En moins de cinq minutes, il était au courant de la généalogie de ce dernier et aussi de son patrimoine. Et qu’en fait, le prospect était le gendre d’un exploitant agricole, de la ville de Yesilhisar à proximité de la ville de Kayseri,ayant amassé une fortune au cours de ces trente dernières années. Mais ce gendre, jeune marié, n’en était qu’au début de son aventure d’entrepreneur… et qu’à titre individuel, il n’offrait aucune garantie financière.A la question posée au début de cette partie, la réponse fut « non ».

L’aspect crucial de la dynamique des réseaux en Turquie

Le sens de la hiérarchie et du rôle de chacun dans un groupe est très cadré : tout comme dans une organisation militaire avec un commandant et sa troupe de soldats qui doivent obéir aux ordres. Le supérieur donne les indications, et la troupe obéit sans discuter. A l’échelon national, on ressent la même organisation dans les entreprises entre le directeur et son équipe, et aussiau sein des familles turques : le père représente la famille et on lui doit un profond respect. Chaque membre d’une entreprise ou d’une famille a sa place et un rôle bien défini.

Autrement dit, la culture turque accorde de l’importance au statut attribué aux individus : leur âge, leur formation, leur profession… auront plus d’importance que leurs réalisations elles-mêmes. L’importance accordée aux aînés se renforce par le respect des autres. Et les Turcs attendent des étrangers venant en Turquie d’accepter cette hiérarchisation et non qu’ils la remettent en cause. D’où l’importance de la dynamique des réseaux en Turquie.

Dans le monde professionnel, il est de coutume que ce soit le plus âgé qui aille représenter une équipe, une entreprise face à des tiers. Le fait d’envoyer un jeune homme talentueux négocier avec des personnes beaucoup plus âgées sera interprété comme insultant.

La suite de ce texte est disponible dans notre ouvrage « Travailler et Négocier en Turquie ».